Nos filleules
2001: Nous remarquons cette petite fille de sept ans environ
car contrairement à ses amies pleines d'entrain, elle
est assise sur un banc, est calme et silencieuse. Un petit
être frêle et fragile. Une fillette qui réveille
nos instants de protecteurs. Elle ne perçoit pratiquement
pas ce qui se passe autour d'elle. Seules ses mains bougent.
Sans arrêt, elles froissent au ralenti un petit bout
de chiffon sur ses genoux. Pendant deux heures, sans une seule
parole.
Nous observons ses yeux sombres. Ils sont humides mais ne
versent pas de larmes. Ils sont vides et ne nous voient pas.
Nous apprenons qu'elle a récemment subi une mutilation pharaonique.
« Le choc lui a fait perdre la parole. »
La nouvelle nous laisse stupéfaits. Sa dignité
a été volée, elle a été
détruite physiquement et moralement, le tout avec les
supplices indescriptibles. Nous aimerions l'emmener avec nous
en Allemagne. Mais nous rentrons sans elle.
Cette rencontre ne nous laisse pas en paix.
Nous retournons la voir un an plus tard. Amina a retrouvé l'usage
de la parole mais sa timidité est restée. Le
traumatisme l'a suivra toute sa vie. Il est indélébile.
Après une longue conversation avec ses parents, nous
obtenons leur accord pour aider leur fille. Nous lui proposons
d'aller à l'école et à sa famille une
petite aide financière mensuelle. La condition : elle
doit aller à l'école. Nous souhaitons l'éduquer
pour la faire sortir plus tard du désert.
Pour lui faciliter l'école, elle peut y aller avec
sa meilleure amie. Nous soutenons aussi la famille de cette
dernière. Des personnes de confiance sur place surveillent
le respect de l'accord par les parents.
La nouvelle arrive très vite : Amina et son amie sont
les meilleures de la classe – il s'agit tout de même d''une classe de 50 élèves.
Elles sont parties de zéro et sont les meilleures !
Constater qu'apprendre est un véritable plaisir est
le plus beau des cadeaux que nous offrent les fillettes.
2006: Amina et son amie ont maintenant douze ans. Continuer
à fréquenter l'école du désert
signifierait un arrêt de l'éducation. Outre leur
langue indigène, l'Afaraf, elles ont aussi appris la
langue officielle, l'Amharique. Il est temps pour
elles de partir dans la capitale. Toutes les portes leur sont
ouvertes. Les deux fillettes et leurs parents acceptent sans
réserve.
Nous leur avons trouvé une nourrice à Addis Abeba. Elle est aussi issue du peuple Afar, est veuve, croyante et habite dans une maison particulièrement bien entretenue. Elle est enchantée à l'idée de pouvoir de nouveau avoir deux « filles » à la maison et de les accompagner dans la vie. Ses propres filles ont fréquenté une école supérieure. L'une vit désormais en Angleterre, l'autre est encore à la maison. Elles sont toutes conscientes de l'importance de la culture .
Nous inscrivons les fillettes dans une école. L'après-midi,
elles reçoivent en plus des cours particuliers de mathématique
et d'anglais. Nos filleules doivent vite lier connaissances
avec des jeunes filles du même âge de la grande
ville. Le bureau TARGET d'Ali Mekla Dabala, notre gestionnaire
du projet de l'hôpital en Ethiopie, est à proximité.
Il surveille nos protégées.
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